En mémoire de Paul Marie Jarret de la Mairie (1817-1891) Capitaine au Long Cours (1846-1869)
portrait de Paul Marie source "roglo" , photo sans doute prise en 1870 ou 1871, lors de la succession de Louis Ambroise Augustin, son père.
Biographie du Capitaine au Long Cours Paul Marie Jarret de la Mairie
Né le 10 juin 1817 à Baugé, Maine et Loire, fils de Louis Ambroise Augustin Jarret de la Mairie (1780-1870) et de Marie Angèle Le Gouz du Plessis (1787-1841). Décédé le 10 mars 1891 à Sanary sur Mer (Saint Nazaire du Var) à l’âge de 73 ans. Sources : archives départementales du Maine et Loire et du Var.
Issu d’une famille de gentilhommes de l’Ouest de la France, dont on peut remonter l’histoire jusqu’au XIIIème siècle (« Généalogie de la famille Jarret » par le Chevalier Charles d’Achon), dont le père avait reçu en héritage, à Grez en Bouère (Mayenne), le Château de Chânay, d’où un état civil dont le nom de famille officiel est « Jarret » et une signature Paul Jarret de Chânay. Il récupère son nom (ainsi que ses frères et sœurs et leurs descendants) « Par jugé du tribunal de Château-Gontier (Mayenne), en date du 26 novembre 1859 … en ce sens qu'au patronyme Jarret, donné seul au père dans l'acte, on ajoutera le complément de la Mairie, qui a été omis par oubli. » Il était le 4ème enfant et le 2ème garçon d’une famille de 10 enfants dont 9 sont parvenus à l’âge adulte. Ses 4 frères ont été élèves à l’école militaire de Saint Cyr. Il est le seul marin de la famille.
Toute son enfance a baigné dans une ambiance politiquement attachée à la légitimité des Bourbons, son oncle paternel Henri René Louis Jarret de la Mairie (1778-1858), ayant été capitaine dans les Chouans (AD du Maine et Loire, Dictionnaire historique de Célestin Port), son frère aîné Anatole Augustin (1812-1890), démissionnaire de Saint Cyr, condamné à mort par contumace, puis réhabilité, avait pris part à la révolte contre « l’usurpation » de Louis Philippe (1830-1848), appelée "Révolution de Juillet" par les historiens, en mai-juin 1832 (cf l'insurrection royaliste dans l'Ouest de la France), au château de Chânay, dont Paul a été témoin à l’âge de 15 ans.
Après la chute de l’Empire (1870) il s’affirmera, sans tapage, comme un Républicain ainsi qu’en a témoigné sa fille Jeanne Angèle Publia Jarret de la Mairie dans ses « Mémoires de l’occupation allemande » sous le pseudonyme de Jacques Verd. Ouvrage consultable dans les bibliothèques municipales du Var.
A travers les lettres de recommandations qui étayent sa demande d’emploi aux Messageries Nationales (source : dossier personnel archivé au Havre http://www.frenchlines.com/) dès leur ouverture sur la Méditerranée, on apprend qu’il a navigué dès l’âge de 21 ans, d’abord sur le John Cokerill, baleinier, dans les Mers du Sud, et a effectué une station en Nouvelle Zélande. Ce qui est confirmé par son inscription au registre maritime du Havre comme novice pour la période allant du 22 juin 1838 au 10 juin 1840 (AD de Seine Maritime) et par la page suivante: http://desarmementshavrais.free.fr/dmarin.php?idmarin=12744&%20nmarin=Jarret-de-la-Mairie.
Il déclare renoncer à la navigation et est rayé de la marine le 15 juin 1840. Il est probable qu’il se soit rapproché de sa famille à Grez-en-Bouère (Mayenne), sa mère étant sans doute malade ; cette dernière décède le 3 octobre 1841. Paul donnera à sa fille unique le prénom usuel d’Angèle, qui était celui de sa propre mère.
Mais l’appel du large est de retour… ou a toujours été là.
Son service dans la Marine Royale s’est fait comme novice puis matelot de 3ème classe, du 23 mars 1842 au 4 septembre 1844 sur les corvettes de charge l’Isère, l’Agate et la Proserpine ; le capitaine, M. de Valère, de cette dernière, lui ayant promis de l’avancement au regard de ses qualités. Port : Toulon. (AD de Seine Maritime).
Son incorporation « volontaire » dans le Var a été faite à sa demande. « Renonciataire », il n’effectuera que 17 mois et 13 jours (sur les 40 mois règlementaires, et qui sont portés cependant tels que à sa Fiche Matricule originale), ainsi que le lui permettait le droit maritime. Sa demande en date du 20 juin 1842, soit moins de 3 mois après son engagement, devant le Conseil d’Administration de L’Isère, de vouloir renoncer à la navigation, interpelle. En effet, au regard de son parcours brillant de marin, on ne peut qu’interpréter cette « renonciation » comme un refus de servir un roi, Louis-Philippe 1er (1830-1848), branche des Orléans, cousine des Bourbon, qu’il jugeait illégitime. Toujours est-t-il que Paul Jarret fera jouer son réseau d’amitiés « légitimistes » pour appuyer, en 1850, sa candidature aux Messageries Nationales, au travers de lettres de recommandations de personnalités, comme celle du Vicomte Dambray, connues pour leur appartenance politique à cette mouvance.
Puis il est second sur des navires effectuant les voyages commerciaux vers de Levant sur une période d’à peu près 2 ans (1844-1846).
Il a réussi l’examen de Capitaine au Long Cours le 1er avril 1846, à l’âge de 28 ans, en cette même ville. Il apparait qu’il est sorti « n°1er » (major de sa promotion dirait-on aujourd’hui), ce qui lui a valu « l’honneur d’avoir son nom à l’ordre du jour, ce qui n’était pas arrivé à Toulon depuis 9 ans », d’après une lettre de recommandation annexée à son dossier (pas de signature sur le document d’archive).
Marin, dès sa majorité à 21 ans, il a exercé son métier de Capitaine au Long Cours (de 28 à 52 ans) de 1846 à 1869, période de laquelle 2 adresses domiciliées à Marseille apparaissent : 16 cours Julien et rue de Bacanet (Archives French Lines, Recherches aux AD des BdR dans les recensements de la population et déductions personnelles, et SHD de Toulon).
Paul Jarret a exercé son métier pendant une période de bouleversements techniques majeurs pour la navigation, qui connait alors une mutation irréversible en passant de la marine à voile à celle de la vapeur.
Cette vie de marin s’est close avec la fin du percement de l’isthme de Suez et de l’inauguration du Canal, le 17 novembre 1869, modifiant profondément la donne en matière de circulation des navires. Inauguration à laquelle il ne participera pas car, par un courrier en date du 30 octobre 1869, il demande sa mise à la retraite de la navigation, effective au 1er janvier 1870.
Aux commandes du Brig « la Jeune Estelle », dont le port est à Marseille, il navigue vers le Brésil, la Guyane, les Antilles françaises, espagnoles, danoises et la Mer du Nord. D’abord employé puis propriétaire, il revendra ce voilier afin de se préparer à investir en actions dans la Cie des Messageries Nationales. Actions dont sa fille héritera et dont elle disposera à sa guise (source : Contrat de Mariage, AD du Var).
A travers les extraits de ses notations administratives pendant son service aux Messageries Nationales puis Impériales, sa conduite, sa tenue, son caractère, ses rapports avec ses chefs et les passagers sont qualifiés de « bons ». « Bon marin », on lui reproche cependant « de ne pas assez s’occuper de son navire », défaut sans doute attribué à son caractère « facile ». Il n’y a pas débuté comme capitaine mais officier, situation négociée provisoirement jusqu’à la reconnaissance de son grade effectif.
Par un courrier en date du 30 octobre 1869, il demande sa mise à la retraite de la navigation. Il passera en demi-solde au 1er janvier 1870.
Il ne s’est jamais marié mais est le père d’une fille unique, naturelle, née à Malte le 16 juillet 1858 et à qui il a procuré reconnaissance (Archives départementales du Var et des Bouches du Rhône), éducation de qualité et autonomie économique au travers de rentes (AD du Var pour son contrat de mariage, recherches personnelles et archives familiales).
Ses relations avec ses parents proches ou éloignés semblent avoir perduré ainsi que l’atteste sa présence comme témoin à la naissance de son neveu Louis Amédée Marius à Marseille le 1er avril 1859 (AD des Bouches du Rhône), alors que son frère Amédée Charles (1826-1903), capitaine au 33ème de ligne, n’était que de passage dans cette ville (à cette occasion Paul décline une adresse sise 49, cours Lieutaud, à Marseille), et à la liquidation de la succession de son père à Château-Gontier en 1871 (AD de la Mayenne) où il est nommé ainsi : « Monsieur Paul de Marseille ».
Il s’est retiré vers 1872 à Saint Nazaire du Var, devenu par la suite Sanary sur Mer, dans une propriété baptisée « La Marine », quartier du Colombé, achetée à Michel Pacha http://www.sanary.com/marius-michel-pacha-le-plus-celebre-enfant-de-saint-nazaire.html , où il a élevé sa fille en père célibataire et aimant (sa fille lui témoigne une grande affection dans ses « mémoires »). A son service : 2 domestiques (Recensements, AD du Var). Il s’est éteint le 10 mars 1891.
Homme du XIXème siècle, au caractère bien trempé, il a été acteur et témoin de son temps, dans un contexte technologique lié à la Révolution Industrielle et aux bouillonnements politiques de son temps.
Paul Marie repose au vieux cimetière de Sanary sur Mer (Var).